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Il est souvent revenu dans mes recherches un effet premier de mimétisme dans les balbutiements du langage humain. Reproduire gestes, mots, habitudes, mœurs et coutumes semble, depuis la naissance, le fonctionnement de tout être humain communiquant. Bien sur, avant de reproduire, l’être humain observe son environnement, écoute, touche, utilise ses sens et enregistre des informations qu’il digérera et restituera plus tard.

Le langage naît de la pensée et de la volonté de dire, de s’exprimer. Le fait même que l’être humain se sente là, présent, représente le premier sens donné au langage qui lui permettra de donner du sens à sa pensée, d’être en lien avec son environnement.

« J’écoute mon corps, il me parle sans répits ». Louis Scuténaire

Le corps vivant est un temple d’écoute. L’écoute se place au centre de la relation à soi et à l’autre. Écouter est l’attitude première, l’essence de la qualité relationnelle intérieure, projetée dans l’existence.

« Dieu nous a donné deux oreilles et une bouche pour que nous écoutions deux fois plus que nous parlons ». Zénon d’Élée

L’écoute est cette capacité à utiliser tous nos sens en éveil. C’est établir ce dialogue interne de reconnaissance de ce que nous sommes, doués de facultés sensorielles, autrement dit : des êtres de langage.

L’écoute relève d’une capacité humaine et d’une attitude bienveillante, empathique et congruente. Elle s’apprend, se pratique, s’apprivoise pour ressentir cet espace de disponibilité pour soi et pour autrui. La qualité de l’écoute amène la qualité de la relation, qui amène la qualité d’un échange équilibré et bienveillant.

« Être écouté, c’est précieux, cela permet de se sentir entendu, compris, reconnu et respecté » . Jacques Salomé

La première action de l’écoute est le silence. En même temps, écouter, c’est être très présent, bien plus que lorsque nous parlons. C’est être centré, offrir, faire un cadeau. Pour écouter pleinement le monde extérieur, il parait nécessaire d’abord de savoir s’écouter soi.

« Qui parle sème, qui écoute récolte ». Pythagore

L’écoute amène un lien précieux, une alliance faite de confiance et d’authenticité.

Écouter, c’est prendre soin de la relation, apporter l’attention et la concentration nécessaire, accorder du temps (jeter l’horloge !) pour se consacrer à être vraiment présent et disponible.

C’est aussi travailler sa propre réalité objective, en conscience de ce qui se passe en soi, justement, pour laisser cette place à la relation à soi et à la relation de langage.

« Écouter, c’est le contraire de « répondre », c’est cultiver cette confiance que le consultant possède en lui-même ses réponses à ses questions ». Jacques Salomé

Le contraire d’écouter se rapprocherait de « comprendre », « interpréter », le synonyme pourrait être « accueillir ».

Cultiver l’accueil c’est accueillir les idées, les croyances, les valeurs, telles qu’elles se montrent. C’est une sorte d’autorisation implicite de rester libre de choisir la « voix » qui parait la meilleure, dans nos perceptions.

« Le commencement de bien vivre, c’est de bien écouter ». Plutarque

Écouter est différent d’entendre. Écouter nécessite une forme de concentration, de présence, de conscience sur ce qui se passe maintenant, entendre fait simplement appel à notre capacité auditive et n’est pas forcément consciente : entendre les bruits des voitures, des pas, des voix…

Aussi, l’écoute se situe bien au delà de notre sens de l’ouïe. Si ce sens est altéré, l’écoute reste possible, présente, voir plus fine. L’écoute passe par tous nos sens.

L’écoute nécessite d’avoir une posture particulière, centrée, alignée, c’est finalement une décision que prend la personne en totale conscience.

« L’écoute entend l’autre dans son propre silence ». Michel Random

À mon sens, écouter, c’est apprendre. Écouter, c’est être en lien, établir une relation respectueuse, écouter, c’est respecter notre spécificité de langage.

« Bien écouter, c’est presque répondre ». Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux

Se situer dans l’écoute et par conséquent accueillir l’autre, c’est laisser de côté pour un moment la pensée construite, mentalisée, le « comprendre » et le « pourquoi » et se centrer sur la voix du cœur.

Écouter, c’est laisser la place à la relation d’être à être, dans l’expression d’une confiance mutuelle et en la relation. La relation phénoménologique et sa posture amène à cet accueil inconditionnel. C’est accueillir la personne de manière inconditionnelle, tout en restant centré et aligné. Écouter, c’est être présent, corporellement, psychiquement, humainement.

Écouter, c’est accepter les zones de silence, s’arrêter de parler, laisser des espaces de réflexion. Le silence permet de réfléchir, de se repositionner, de reformuler d’abord intérieurement ce qui sera une expression verbale plus tard. Le silence est un élément essentiel de l’écoute et certainement son essence.

L’incarnation du langage passe par l’écoute.

Écouter est un choix conscient, une orientation possible. S’écouter vraiment nécessite de l’entrainement, de nouvelles habitudes à installer au quotidien.

Alors, sommes nous des écoutants du langage, qu’écoutons-nous de nous-mêmes ? Qu’écoutons-nous d’autrui ?

« Écouter la forêt qui pousse plutôt que l’arbre qui tombe ». Friedritch Hegel